À l'occasion de la Journée internationale des filles dans les TIC, nous partageons avec vous notre entretien avec Kristy Crabtree, responsable de la stratégie technologique pour les programmes à l'International Rescue Committee, afin de discuter de l'accès des femmes et des filles à l'internet et à la technologie dans les situations humanitaires, des obstacles liés au genre et de l'importance de la culture numérique pour combler le fossé entre les hommes et les femmes.
Pourquoi est-il important de se concentrer sur les besoins des femmes et des filles en matière de TIC dans les situations humanitaires ?
Kristy : Dans les situations humanitaires, les femmes et les filles sont confrontées à des obstacles plus importants que les hommes et les garçons en matière d'accès et d'utilisation des technologies.
Dans les situations humanitaires, nous devons nous concentrer sur les femmes et les filles pour tout type de formation numérique, car nous voulons construire un monde équitable. Nous savons que les femmes et les filles des pays à revenus faibles et moyens ont un accès réduit, et dans les contextes humanitaires, nous observons les mêmes tendances, si ce n'est pire. Il est donc essentiel de garder les femmes et les filles au centre de la planification et d'être proactif pour leur donner des opportunités de développement numérique ; sinon, nous verrons la fracture numérique entre les hommes et les femmes se creuser.
Comment créer des espaces en ligne sûrs pour les femmes et les jeunes filles dans les situations humanitaires ?
Kristy : Pour ce qui est de la sécurité en ligne, il y a plusieurs mesures pratiques à prendre :
La première consiste à effectuer une évaluation des TIC afin de déterminer les niveaux d'accès et les obstacles. Comprenez quel est le point de départ dans votre environnement et quels sont les risques particuliers encourus par les femmes et les filles, et demandez-leur ce dont elles ont besoin pour rester en sécurité en ligne. Cette étape semble évidente, mais elle est souvent omise.
L'un des moyens d'y parvenir est de dispenser une formation à la culture numérique, qui pourrait se dérouler dans un espace sécurisé. Nous voulons être à l'écoute des femmes et des filles, leur demander ce qu'elles veulent et ce dont elles ont besoin. Ne nous contentons pas de proposer d'emblée une solution. Les femmes et les filles, dans n'importe quel contexte, savent ce qui est sûr pour elles et ce qui ne l'est pas, alors commençons par elles.
Comment les acteurs humanitaires peuvent-ils mieux répondre aux besoins des femmes et des jeunes filles ?
Kristy : Beaucoup d'entre nous peuvent faire des suppositions basées sur leur propre expérience, mais cela ne signifie pas que tout le monde possède cette base de connaissances. Il faut donc partager avec eux [les acteurs humanitaires] les tendances mondiales en matière de violence fondée sur le genre, l'ampleur de ce phénomène, en particulier dans les situations de conflit où les moyens de protection naturels sont affaiblis et où la violence s'intensifie souvent. Les femmes sont confrontées à une augmentation de la violence physique, sexuelle, psychologique et économique, y compris la violence entre partenaires intimes. Il est important de le signaler, car la stigmatisation et la peur peuvent empêcher les gens de chercher de l'aide, quelle qu'elle soit. Il est très important que les gens le sachent, car compte tenu des normes sociales néfastes qui entourent la technologie, beaucoup pensent que les TIC sont inacceptables pour les femmes.
Nous devons en tenir compte lorsque nous planifions des interventions numériques : il faut s'interroger sur les risques et donner la priorité à la sécurité avant d'introduire une technologie qui pourrait potentiellement accroître les dommages.
Bien sûr, il faut parler aux femmes et aux filles. C'est là qu'un partenariat avec des prestataires de programmes de lutte contre la violence sexiste ou d'autonomisation des femmes peut s'avérer très utile, afin de ne pas se contenter de parcourir une communauté et de frapper aux portes, mais d'atteindre les femmes là où elles se sentent déjà en sécurité.
S'il y a une chose à retenir, c'est qu'il faut non seulement évaluer mais aussi supposer quels niveaux de sécurité sont nécessaires parce que les téléphones sont partagés ou empruntés, ce qui a un impact sur une grande partie des services offerts et sur ce que nous considérons comme des méthodes de communication sûres. Et même si les téléphones ne sont pas partagés, on observe dans ces deux contextes une tendance à la surveillance des téléphones.
Quels sont les principaux enseignements à tirer de cet entretien ?
Kristy : Ce que j'aimerais que tous ceux qui réfléchissent à cette question retiennent, c'est qu'il ne faut pas faire d'hypothèses sur quoi que ce soit ou, si l'on fait une hypothèse, qu'il faut se méfier de ce qui est sûr pour les femmes et les filles. Ne faites pas de suppositions sur l'accès ; nous savons que ce n'est pas le cas dans la majorité des pays à revenu faible ou moyen et dans les situations humanitaires. Ensuite, renseignez-vous sur votre environnement et parlez aux femmes et aux jeunes filles quand et où elles peuvent le faire en toute sécurité.
"Lorsque les femmes et les jeunes filles sont connectées en ligne, elles peuvent accéder à l'information et prendre de meilleures décisions pour elles-mêmes et pour l'ensemble de leur foyer.
Si nous voulons l'équité, nous devons nous assurer que nous faisons quelque chose pour que les femmes et les filles soient sur la même ligne de départ que les hommes et les garçons. Nous pouvons considérer cela comme un investissement, car la culture numérique est un levier pour tout le reste. Ainsi, lorsque les femmes et les filles sont connectées en ligne, elles peuvent accéder à l'information et prendre de meilleures décisions pour elles-mêmes et pour l'ensemble de leur foyer.
Cet entretien a été édité pour des raisons de longueur et de clarté.
Pour visionner l'interview complète de Kristy, cliquez sur le lien ci-dessous :