Fatimada, 38 ans, originaire du Congo, est bloquée dans les camps de réfugiés de Lesvos depuis plus d'un an : "Vous savez, au Congo, j'étais confrontée à la violence physique, mais ici, dans le camp, c'est la violence psychologique. Je ne sais pas laquelle est la pire". La connexion internet établie par TSF est l'une des rares choses qui l'aide à persévérer.
Dans la zone administrative à l'entrée du camp de Mavrovouni, des files de demandeurs d'asile tentent d'avancer avec leurs documents. J’entends de l'anglais, du grec, du français. Quelle que soit la langue, je vois chez chacun d’entre eux l’indispensable nécessité de retrouver une situation stable. Beaucoup d'entre eux attendent depuis des mois de voir leur situation s’améliorer. Le temps passe lentement, très lentement. La mer Egée est calme, le soleil brille, il fait chaud et de nombreuses personnes vont et viennent. Je me dirige vers la zone couverte par la connexion TSF. Sur le chemin, je croise des personnes qui transportent leurs affaires dans des poussettes. D'autres femmes portent tout sur leur tête. Il y a des enfants qui courent et jouent autour. Les gens s'abritent sous les arbres pour mieux supporter la chaleur. Je vois un groupe de femmes assises en cercle, discutant avec effusion. Je me demande de quoi elles parlent. Les vêtements lavés sont suspendus entre les tentes... c'est assez chaotique.
Autour du point d'accès de TSF, je rencontre quelques personnes qui tentent d'échapper au soleil. Ils s'abritent sous un petit abri et sortent leurs téléphones pour accéder au Wi-Fi gratuit. Certains appellent, d'autres envoient des SMS, d'autres encore naviguent sur les réseaux sociaux. Je leur demande si je peux prendre une photo : ils acceptent, sourient.
Je profite de l'occasion pour leur parler de la connexion. Ils me disent que c'est très utile, ils ont besoin d'être connectés : Que ce soit pour rester en contact avec leur famille ou s'informer. L'un d'eux me dit merci. Lors de cet échange, je comprends mieux que jamais, combien cette connexion est importante pour ces demandeurs d’asile. Leur situation est déjà si précaire : les isoler du monde extérieur ne ferait que l'aggraver. Ce lien avec leur famille et le monde extérieur les aide à rester à flots.
Avant de repartir, je m'approche de la tente d'une femme et lui demande si elle a le temps de parler un peu. Elle acquiesce et m'invite à entrer dans la tente pour que je puisse moi aussi m’abriter du soleil. Elle s'appelle Fatimada, sa sœur et son neveu vivent avec elle dans la tente. Arrivée en Grèce en mai 2020, elle a fui la violence au Congo. Au début, elle était à Moria, puis a été déplacée à Mavrovouni. "J'avais tellement de peur car je ne voulais pas être séparée de ma sœur et de mon neveu mais nous avons réussi à rester ensemble. Nous nous aidons mutuellement. Je ne sais pas si je pourrais m'en sortir seule". Nous parlons des conditions de vie dans le camp et de l’aide apportée par la connexion de TSF "Nous ne faisons rien ici. Je veux travailler. Je veux vivre. Je veux faire quelque chose. Et c'est pourquoi il est important d'avoir internet. Parce que cela nous permet d'être en contact avec nos amis et notre famille. Ma sœur est ici mais le reste de ma famille est au Congo et je m'inquiète pour eux, ils s'inquiètent pour moi. Avec internet, je peux leur envoyer des messages et leur dire que je vais bien. Donc, merci pour la connexion, elle nous aide. Sinon, nous deviendrions fous. Les gens devraient voir comment est la situation à l'intérieur du camp". Elle dit qu'elle n'a pas d'enfants et qu'elle ne souhaite pas mettre un enfant au monde. "Pourquoi ? Ce ne sont pas des conditions pour des enfants ; c’est déjà difficile pour les adultes, alors surtout pas pour les enfants." Le regard fatigué, elle se plaint, elle est désespérée et en colère.
C'est ma première mission avec TSF et mon premier jour dans un camp de réfugiés. Je n'ai pas de mots pour apaiser Fatimada, néanmoins je suis en quelque sorte soulagée. Soulagée parce que la colère de Fatimada signifie qu'elle n'a pas abandonné. Elle signifie que même dans ce lieu aux antipodes de la vie, où une femme de 38 ans ne veut pas mettre au monde un enfant pour éviter une souffrance supplémentaire, il y a encore de l'espoir. Soulagée, car la connexion de TSF contribue à cet espoir, en agissant comme une bouée de secours pour des personnes comme Fatimada et les plus de 6000 autres dans sa situation. Elle les aide à ne pas abandonner, à rester connectés, à se sentir vivants.